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20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 13:27

Bon, j'pense que je peux vous en dire un peu plus sur les dangers et "LE" danger ici.

 

Comme j'ai expliqué, c'est toujours là, à quelque part dans notre cerveau. Ici, c'est dangereux. Le problème, c'est qu'en plus d'être dangereux, c'est impuni. Avec quelques dollars, tu peux faire oublier le meurtre que tu as commis hier, ou le faire mettre sur le dos de quelqu'un d'autre. Ça, c'est la faute de la corruption qui est partout ici (mais ça fera l'objet d'un autre article).

 

Bref, je suis dans un coin plus tranquille du Honduras, mais pas sans risque pour autant. Ce n'est pas évident pour les gens d'ici d'avouer que c'est dangereux et qu'on ne se sent pas totalement libres. J'imagine qu'ils se sentent coupables à quelque part, même si un individu seul n'y peut pas grand chose. Je ne sais pas ce que ça prend en fait. Ben, c'est sûr que dans ma tête à moi, une société où on accepte la violence envers les animaux, c'est déjà mal parti. Et ici les petits chiens innocents ne le restent pas longtemps, et ont rapidement peur des gens, à se faire tirer des pierres parfois sans raison. C'était la même chose en Thaïlande, la violence envers les animaux, souvent tout à fait gratuite.

 

Il y en aura pour dire que c'est "naturel" comme façon d'être. Que les gens de ces pays vivent avec moins de règles que nous et de façon plus humaine. Je trouve qu'ici il y a surtout plus de règles sociales de "bonne conduite". De "hiérarchie". De "gros bon sens" (Mais c'est vrai qu'il y a moins de règles légales encadrant les agissements des gens en société) Au final, selon moi, les gens dirigent leur conduite par peur (de dieu ou d'une autorité parentale quelconque). Donc quand il y a une petite fenêtre où on ne se fera pas prendre ou quand ça devient trop lourd, on se laisse aller à suivre nos pulsions. Ce n'est pas vraiment différent chez nous. J'en connais plein qui n'ont pas vraiment de boussole morale interne et qui se gardent de faire des trucs "pas bien" par peur des autorités, de dieu, ou du jugement des autres. Mais c'est sûr que dans un endroit où y'a de l'impunité et de la pauvreté de surcroît, ça coûte moins cher de faire ce qui est "interdit". En ajoutant aussi l'insensibilité amenée par la violence qu'il y a tout autour dans l'environnement (envers les animaux, la violence emmenée par la pauvreté elle-même, et chaque jour aux nouvelles, ils présentent toutes les personnes qui se sont fait tuer, et en plus les images sont plutôt graphiques).

 

Et que s'est-il passé du côté du "danger" dans mon entourage depuis mon arrivée? La semaine dernière, mon collègue (un Hondurien) s'est fait agresser et voler en sortant de la banque dans la petite ville près d'ici (à environ 1 h).

 

Il y a quelques semaines, je suis sortie du travail et juste en face, il y avait étendu dans la rue un vieil homme et du sang sous sa tête. Il avait été frappé par une moto (les jeunes hommes en moto sont vraiment dangereux ici) une dizaine de minutes avant. Il y avait plein de gens proches, mais les gens ne savent vraiment pas comment réagir. Il est resté assez longtemps sur le sol, puis ils l'ont relevé assez raide et l'ont porté sous leurs bras pour l'emmener à la clinique. Il avait un morceau de chair qui pendait un peu sur le côté de sa tête. Les gens n,ont aucun connaissance des premiers soins et pour ma part, ça a pris trop de temps avant qu'ils l'emmènent à la clinique. J'essayais de leur expliquer qu'il fallait lui mettre quelque chose sur la tête pour ne pas qu'il perde trop de sang, mais ils ne comprenaient pas trop. Puis ils sont rentrés avec lui dans la clinique, qui était juste en face! J'ai trouvé ça vraiment trop long, surtout vu la proximité de la clinique. Mais ça c'est juste dû à un manque d'éducation en la matière.

 

Dernière anecdote, si je peux appeler ça comme ça. Tantôt je suis allée manger un morceau de gâteau à la pâtisserie du coin, et une dame est venue jaser avec la vendeuse et nous a appris qu'un homme a été tué en se faisant frapper la tête d'une pierre, hier soir. Ici, dans notre petite ville. On ne sait pas pourquoi, mais c'était un homme qui buvait trop et tout le temps. Est-ce qu'il y en a qui ont décidé de se faire justice, qu'il ne "servait" à rien ou juste de s'amuser parce qu'il était incapable de se défendre? J'en sais rien, mais il faut être sacrément insensibilisé pour tuer quelqu'un avec une pierre. Et ce que je sais, aussi, c'est que ceux qui ont fait ça n'auront pas l'ombre d'un trouble. Ark...

 

Ça me fait aussi penser à la réflexion que j'ai eu l'autre jour. Nous sommes allés en campagne visiter des amis à ma grand-mère d'accueil, et quand ils ont décidé de faire une soupe au poulet avec une poule de leur ferme, ma grand-mère d'accueil a voulu la tuer elle-même. Malheureusement, la machette qu'elle a utilisé après lui avoir vissé le cou n'était pas assez aiguisée et elle n'a pas pu trancher la tête. La poule est donc morte en perdant son sang. J'ai trouvé ça étrange, car autant quand j'étais jeune ça me faisait pleurer de voir un ver de terre se noyer, autant j'ai été surprise de constater que ce n'est plus si difficile de prendre une grande respiration et se détacher de la souffrance d'un autre être. J'avoue que ça m'a même dérangée de ne pas avoir été plus troublée de voir la poule se faire tuer (malgré tout, la soupe après me levait un peu le coeur - comme si les soupes au poulet que je mange d'habitude n'impliquaient pas l'abattage d'une poule) alors que la dame que l'on visitait, qui vit en campagne, n'a pas voulu voir la poule se faire tuer car ça lui faisait trop quelque chose. Je ne sais pas si ça a à voir avec le fait d'avoir cotoyé des gens vivant de grandes souffrances psychologiques ces dernières années qui m'a obligée à me détacher de la souffrance d'autres êtres? Ou si mon esprit a simplement appris à se détacher de ce qui lui est impossible à tolérer? Ou que j'ai appris à lever les épaules et baisser les bras face à ce genre de choses qui se passent de toute façon à chaque seconde? En-tout-cas, ça m'a fait surtout peur parce que je me suis dit que si un être humain est capable d'apprendre à se désensibiliser face à la mort d'une poule en prenant une grande respiration, c'est sûrement aussi possible pour celui qui n'a pas de boussole morale interne pour l'en empêcher d'abbatre un autre être humain sans trop de tourments. Et ça vient ébranler quelque chose de tellement fondamental en moi, de sentir que quelqu'un serait capable de tuer sans trop s'en faire avec ça. Je n'aime pas ça.

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